Une (jeune) femme de caractère
Quand elle s’est présentée au municipales de 2014 à Coren, Patricia Rochès redoutait de prendre une veste pour deux raisons au moins: elle avait refusé la création d’un stade de foot et l’extension de la zone d’activités communautaire (qu’elle approuvait) avait provoqué un certain mécontentement, parmi les agriculteurs. En fait, elle a raflé sept sièges sur onze dès le premier tour, ce qui lui a valu de devenir maire de sa commune natale, 33 ans après son père, qui avait exercé la même fonction de 1971 à 1989.
Quant elle s’est présentée aux sénatoriales, elle a mis toute son énergie dans la bataille, comme pour gagner. Avec 54 voix au premier tour, elle était loin des postulants à la victoire, mais son score n’avait rien de dérisoire, bien au contraire. Certains de ses partisans lui ont conseillé de se désister, « pour préserver son avenir politique ». C’était hors de question. Électrice en 2008, elle avait assisté aux manoeuvres qui avaient précédé l’ épilogue du second tour.
Parce qu’elle n’en a pas gardé un bon souvenir, elle ne voulait surtout pas entrer dans ce type de combine. » Je me suis maintenue pour montrer que l’on peut faire de la politique autrement, sans instrumentaliser ou être instrumentalisé. Je me suis maintenue, pour montrer que l’on a le droit d’être libre et le devoir d’user de sa liberté », explique-t-elle un mois après le scrutin.
Elle a donc pris le départ de la seconde manche, et récolté six voix supplémentaires. Insuffisant pour être élue et même participer à l’emballage final mais qu’ importe, puisque Patricia Rochès a largement de quoi s’occuper. Après avoir communalisé deux éoliennes situé sur des biens de section et récolté, au passage, 40.000 € par an, Madame le maire de Coren veut doter son école d’un équipement numérique, raccorder une vingtaine de maisons au réseau d’assainissement collectif (ce qui coûtera bonbon), créer des logements dans l’ancien presbytère, conduire la rénovation du bourg, dont les derniers aménagements datent des années soixante-dix etc.
La vice-présidente du Pays de Saint-Flour – Margeride chargée de la culture entend faire vivre de le Centre d’enseignement et de diffusion artistique (CEDA), indispensable à ses yeux pour accueillir de jeunes couples avec enfants.
La créatrice de « La Vache qui lit », enfin, n’a pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin. La maison d’édition n’aurait peut-être jamais vu le jour, si Patricia Rochès, qui parle couramment la langue de Goethe, n’avait été mandatée pour guider à Garabit une équipe de la chaîne allemande ZDF, venue filmer l’un des quatre ou cinq ouvrages d’art les plus remarquables au monde. « A ce moment-là, confie-t-elle, j’ai compris que nous possédions un patrimoine dont nous ignorions la richesse ». Un premier livre sur la viaduc, destiné aux adultes, a suivi. Puis un autre, écrit, celui-là, pour les enfants. Dans la foulée, « La vache qui lit » a retracé l’épopée des frères Michelin, fondateurs de la célèbre manufacture, l’histoire du viaduc de Millau (en collaboration avec Eiffage), celle de la lentille blonde de la Planèze etc.
La maison d’édition est une affaire qui marche et continue à marcher. Sa fondatrice n’en est pas moins résolue à défendre une autre conception de la politique et de la façon de gérer les collectivités. Elle persistera à combattre le cumul des mandats locaux car, à ses yeux, « la concentration entre deux mains de tous les pouvoirs constitue un danger pour la démocratie ». Les élus ne devraient pas davantage « s’installer dans leurs fonctions, mais donner le meilleur d’eux mêmes en sachant qu’ils ne sont pas là pour l’éternité », d’où la nécessité de ne pas aller au delà de deux mandats consécutifs.
Plus globalement, Patricia Rochès est persuadée que le Cantal « est prêt à accueillir un autre discours et d’autre manières de travailler ». »Des écoles, des services publics vont encore fermer, la population va continuer à baisser. C’est dramatique, mais non inéluctable si nous sommes capables de proposer, tous ensemble, des solutions audacieuses susceptibles de faire du Cantal un département pilote », affirme Patricia Rochès, qui a fait sienne cette devise: « Ne te demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, mais ce que tu peux faire pour ton pays ».